Économie 19/10/2009 à 00h00
La BNP se retire (un peu) des paradis fiscaux
Dans son interview accordée à Europe 1, le 28 septembre, le directeur général de BNP Paribas, Baudouin Prot, a annoncé la fermeture «d’une demi-douzaine de sociétés» localisées dans des pays de la liste grise de l’OCDE. Un nombre dérisoire au regard des 189 filiales dans des paradis fiscaux dénombrées par le magazine Alternatives économiques dans son enquête publiée en 2008. BNP Paribas restera encore l’entreprise française la plus présente dans les paradis fiscaux. Elle conservera notamment 21 filiales aux îles Caïmans. Comment l’expliquer, compte tenu de l’absence d’activité économique réelle dans ces territoires ?
Reste qu’en annonçant la fermeture de cette poignée de filiales dans les paradis fiscaux, la BNP Paribas reconnaît enfin, au moins implicitement, les problèmes posés par ces juridictions. C’est une première, mais cette décision est cependant loin d’être suffisante. La première banque française par sa capitalisation ne peut en effet ignorer ses responsabilités, surtout lorsque les pays européens, où la BNP Paribas réalise 75 % de ses profits, doivent faire face à de graves difficultés économiques. C’est pourquoi nous voulons attirer l’attention sur d’autres questions sensibles que nous continuons à nous poser en tant que députés européens.
Ainsi, le groupe propose à ses clients les plus fortunés, en plus de la gestion «classique» de leur patrimoine, des services «d’optimisation juridique et fiscale» à Monaco, en Suisse ou au Luxembourg. Il serait intéressant de connaître la part des clients qui, sans y résider, bénéficient des services de ces trois filiales. Plus largement, la banque cessera-t-elle d’ouvrir des comptes aux non-résidents domiciliés dans des pays où BNP Paribas gestion de fortune est déjà par ailleurs implantée (France, Allemagne, Italie) ? En l’absence d’échange automatique d’informations entre les autorités fiscales, seul à même de garantir l’absence d’évasion fiscale, c’est en réalité à la fermeture des comptes ouverts dans ces conditions qu’il faudrait procéder. La banque est-elle prête à le faire ?
Parmi les documents commerciaux que BNP Paribas destine à ces mêmes clients fortunés figure également ce que la banque présente comme un autre de ses «points forts» : sa compétence en matière de trust et de fiducie. BNP Paribas (Suisse) SA propose ainsi de créer, de gérer ou d’administrer «des structures établies dans des juridictions telles que les Bahamas, Jersey, le Luxembourg, Panama, Singapour, le Liechtenstein et la Suisse». De manière générale, ces structures permettent à un particulier ou à une entreprise de transférer leurs actifs à un tiers, lui-même chargé de les gérer au profit d’un bénéficiaire qui, souvent, n’est autre que l’apporteur initial des biens. Ces montages n’ont alors pour but que d’assurer un anonymat complet à ceux qui y ont recours. Une telle architecture financière ne semble pas correspondre aux principes de responsabilité sociale désormais affichés par la banque. La BNP Paribas renoncera-t-elle à commercialiser ce type de montages financiers ? A défaut, s’engagera-t-elle, dans toutes les juridictions, à refuser l’anonymat de l’apporteur des fonds et du bénéficiaire de tels montages et à les communiquer aux autorités fiscales et judiciaires ?
Enfin, la question est de savoir si les citoyens peuvent avoir confiance dans les engagements qui sont pris aujourd’hui. L’an dernier, le rapport «Développement durable» de BNP Paribas érigeait en principes «la contribution à la lutte contre le blanchiment, le terrorisme et la corruption, et l’éthique professionnelle». Pourquoi, dès lors, le groupe continue-t-il de proposer des montages obscurs dans le domaine des préfinancements pétroliers, ces activités qui consistent à prêter de l’argent à des Etats qui apportent en garantie des cargaisons pétrolières à livrer ? Dans son livre Afrique, pillage à huis clos (1), Xavier Harel a montré l’implication au moins passive de la banque dans des montages ayant abouti au détournement des ressources de l’Etat congolais. Des écrits dommageables pour la réputation de BNP Paribas, mais contre lesquels la banque n’a jamais porté plainte, malgré des menaces répétées. Renoncera-t-elle aujourd’hui à ces activités, qu’elle semble pleinement assumer ?
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 établit que la «contribution commune […] doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés». Permettre aux plus riches de s’exonérer de payer leur juste part des dépenses publiques, légitimes et utiles, c’est donc s’attaquer aux fondements de notre démocratie. D’autant plus que l’état de nos finances publiques ne permet pas de voir s’évanouir des milliards d’euros de recettes fiscales. L’optimisation et l’évasion fiscales, parfois difficiles à distinguer, contribuent à creuser le trou des finances publiques et à endetter les générations futures. M. Pébereau, vous êtes l’auteur d’un rapport remarqué sur la dette publique, et pourtant vous semblez oublier cette réalité quand il s’agit de votre banque. Il est grand temps pour vous de mettre en cohérence vos positions d’homme publique et vos pratiques de dirigeant d’entreprise.
(1) Fayard, 2006.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire